Après avoir obtenu aux présidentielles un score bien en-deçà de
ce que les sondages lui avaient longtemps prédit, le Front National n’a
réuni que 2,9 millions des voix aux législatives. Si pour le FN le bilan
de cette séquence électorale pourrait donc sembler décevant, il est en
réalité bien plus encourageant qu’il n’y paraît. Dans le contexte de
délabrement actuel du champ politique, le FN pourrait en effet bien
utiliser sa phase actuelle de repli afin d’effectuer les derniers
réglages nécessaires pour s’ouvrir enfin les portes du pouvoir.
Lorsque
Marine Le Pen annonça le 8 février 2016, au journal de 20 heures de
TF1, sa candidature à l’Elysée, le FN venait de recueillir 27,7 % des
suffrages aux élections régionales de décembre 2015 et les sondages la
créditaient de 26 à 30 % des intentions de vote pour la présidentielle.
Si aucun observateur ne pariait alors sur sa victoire, tous
s’accordaient en revanche pour penser que sa qualification pour le
second tour ne pouvait faire l’ombre d’un doute et qu’il était même très
probable qu’elle sortirait en tête du premier tour. Au terme de cette
campagne, la direction du FN ne peut toutefois que constater que les
résultats n’ont pas été à la hauteur de ses espérances.
Les résultats en demi-teinte du FN à la présidentielle
Dans
le dernier mois de la campagne, Marine Le Pen a vu ses intentions de
vote décrocher jusqu’à se faire doubler dans la dernière ligne droite
par Emmanuel Macron. N’ayant le jour du scrutin réuni que 21,3 % des
voix, elle n’est finalement parvenue à se qualifier pour le second tour
que de justesse, avec seulement 460 000 voix d’avance sur François
Fillon qui a terminé en troisième position.
Si pour le FN le
premier tour fut à l’évidence décevant, le second fut encore plus
difficile. Créditée de 40 à 42 % des intentions de vote dans la première
semaine de l’entre-deux-tours, Marine Le Pen a vu les sondages se
dégrader au lendemain de son débat raté avec Emmanuel Macron. Au final,
elle n’a obtenu que 33,9 % des voix, un score très en dessous de ce
qu’elle avait pu escompter. Visiblement affectée, au point de refuser
toute interview pendant dix jours, Marine Le Pen semble avoir eu
quelques difficultés à encaisser le choc de ces résultats, comme l’ont
montré ses hésitations à se porter candidate aux législatives, de peur
qu’un nouvel échec ne nuise définitivement à son autorité.
Pour
être indéniable, ce relatif échec doit toutefois être relativisé. Avec
7,6 millions de voix, le FN a en effet obtenu en 2017 son meilleur
résultat au premier tour d’une présidentielle, Marine Le Pen améliorant
son score de 2012 de 1,2 million de voix, ce qui signifie qu’elle a
accru en cinq ans ses résultats de 19,5 %. Une nouvelle fois, le FN
démontre qu’il se trouve sur une dynamique ascendante de longue durée :
si l’on fait exception de son trou d’air de 2007, il n’aura cessé depuis
vingt ans d’améliorer son score à chaque présidentielle, progressant à
un rythme annuel moyen d’environ 200 000 voix par an. Si cette
croissance n’est pas rapidement enrayée, le FN devrait être en mesure
d’arriver dans une dizaine d’années à réunir 10 millions de voix au
premier tour, ce qui constitue sans doute le seuil nécessaire pour lui
permettre d’accéder au pouvoir.
Le Front National peut nourrir
d’autant plus d’espoirs que ses résultats en demi-teinte sont pour une
grande part liés à des causes conjoncturelles. Elles ressortent tout
d’abord de l’affaire des assistants parlementaires, qui a beaucoup nui à
l’image de Marine Le Pen comme l’a montré l’écho que la punchline de
Philippe Poutou sur l’immunité ouvrière a pu rencontrer. Elles relèvent
aussi d’une médiocre préparation de la campagne, qui a amené la
candidate du FN à se trouver en grande difficulté dans
l’entre-deux-tours lorsqu’il lui a fallu préciser la politique qu’elle
entendait mettre en œuvre vis-à-vis de l’euro et des institutions de
l’Union européenne. Elles paraissent enfin liées à la dynamique de la
campagne Mélenchon qui semble être la cause principale de la faiblesse
des résultats que le FN a obtenus dans les quartiers populaires. Chacun
de ces éléments ne relevant pas d’un problème structurel, le FN semble
donc disposer d’une importante marge de progression qu’il devrait
pouvoir faire fructifier, pour peu que le contexte lui soit plus
favorable et qu’il parvienne à crédibiliser davantage le discours de sa
candidate.
En analysant de plus près les résultats du second tour,
la direction du Front national a dû aussi y trouver des éléments de
satisfaction. Si, par rapport au score que son père avait réalisé en
2012, Marine Le Pen a obtenu au premier tour 59 % de voix
supplémentaires, elle a en effet amélioré de 92 % le score que
Jean-Marie Le Pen avait fait au second tour de la présidentielle. Pour
le dire autrement, alors que son père n’avait gagné en 2002 entre les
deux tours que 800 000 suffrages, Marine Le Pen a cette année amélioré
son score d’un tour à l’autre de 3 millions de voix, attirant 17 % des
suffrages qui s’étaient portées au premier tour sur François Fillon et
9 % de ceux de Jean-Luc Mélenchon.
Les élections présidentielles
de 2017 ont ainsi démontré que le Front national était désormais capable
de rassembler bien au-delà de lui, le ralliement entre les deux tours
de Dupont-Aignan ne constituant que le symbole d’une nouvelle réalité :
pour une frange notable de l’électorat de droite, le vote FN peut
désormais être perçu au second tour comme une option crédible. Selon les
sondages d’opinion, la situation aurait pu être encore plus favorable
pour le Front national, puisqu’un à deux millions d’électeurs, qui
auraient envisagé dans un premier temps de reporter leur voix au second
tour sur Marine Le Pen, ont finalement préféré l’abstention, ce qui
montre que le FN a la possibilité d’améliorer encore sa capacité de
rassemblement.
Des législatives moins décevantes qu’il n’y paraît
Pour
le FN, les résultats des élections législatives peuvent à première vue
sembler très décevants. N’ayant recueilli au premier tour que 2,9
millions de voix, pour un total de 13,1 % des suffrages, le Front
national a en effet perdu un demi-million de voix par rapport à 2012, ce
qui constitue un indéniable coup d’arrêt dans sa progression
électorale. Au second tour, le FN n’a pu obtenir le groupe qui lui avait
été longtemps promis, n’engrangeant finalement que huit députés, soit
six de plus qu’en 2012. Ces résultats ne seront pas sans conséquences
financières, puisque le gain apporté par ses six députés supplémentaires
ne compensera pas la perte de voix du premier tour. Au total, le FN
verra sa subvention publique diminuer de 538 000 euros par an, ce qui
n’est pas négligeable pour un parti dont l’équilibre financier reste
précaire. Marine Le Pen a d’ailleurs déjà annoncé la levée d’un
« emprunt patriotique » pour faire face à ses besoins immédiats de
liquidités, ainsi que la mise en place d’un plan d’économies.
Si
elle a reconnu, dans une interview donnée le 14 juin à Europe 1, que ces
résultats étaient « extrêmement décevants », ils sont toutefois loin
d’être totalement négatifs. Le très fort niveau de l’abstention a en
effet rendu ces élections législatives très particulières, puisqu’il n’a
permis qu’une seule triangulaire au second tour, contre trente-quatre
en 2012, ce qui a profondément changé le sens même de l’élection des
députés du Front. En effet, alors qu’en 2012 les deux députés du FN
avaient été élus dans des triangulaires, les huit députés de 2017 ont en
revanche tous été élus dans des duels. Ces victoires sans précédent
sont fondamentales, dans la mesure où elles témoignent de la capacité
toute nouvelle du FN à l’emporter dans le cadre d’un scrutin majoritaire
à deux tours.
Marine Le Pen ne s’y est d’ailleurs pas trompée,
puisqu’elle s’est empressée de souligner, non sans pertinence, que ces
résultats démontraient que le fameux « plafond de verre », censé
condamner le FN à échouer toujours au second tour, n’existait désormais
plus. Les législatives ont ainsi confirmé ce que les présidentielles
avaient déjà laissé paraître, autrement dit que le FN est désormais
capable d’impulser une dynamique de rassemblement entre les deux tours,
ce qui ne s’était jusqu’à présent jamais produit dans son histoire
électorale.
L’excellent résultat de Marine Le Pen dans la 11e
circonscription du Pas-de-Calais est de ce point de vue emblématique.
Après avoir obtenu 46 % des suffrages exprimés au premier tour, elle a
été élue très facilement au second tour en réunissant 58,6 % des voix,
après avoir gagné un peu de 2700 suffrages supplémentaires entre les
deux tours. Réalisé dans un contexte de croissance de l’abstention,
alors que les autres candidats de droite et d’extrême droite (LR-UDI,
UPR, Debout la France, FN dissident) n’avaient pu réunir au premier tour
que 2500 voix, le score réalisé par Marine Le Pen au second tour
traduit bien la nouvelle capacité de rassemblement du FN. Cinq ans après
son échec de 2012, mais surtout trois ans après la conquête par le FN
de la mairie d’Hénin-Beaumont, la très nette victoire de Marine Le Pen
témoigne aussi de l’enracinement et de la banalisation du Front National
dans cette région.
Quatre des huit députés du FN ont en effet été
élus dans ces terres du bassin minier du Pas-de-Calais, un département
dans lequel le FN dispose déjà de seize conseillers régionaux et de
douze conseillers départementaux et où Marine Le Pen a obtenu 52,9 % des
voix au second tour de la présidentielle. De tels résultats démontrent
une réalité là aussi nouvelle : le Front National est désormais en
capacité de se doter de fiefs électoraux, dans lesquels ses élus sont
reconnus et appréciés par la population.
Enfin, si le FN n’a pas
réussi à constituer un groupe à l’Assemblée Nationale, il n’est pas dit
qu’il ne puisse y arriver dans les mois qui viennent. Marine Le Pen, qui
en caresse l’espoir, peut s’appuyer sur le précédent des dernières
élections européennes où le FN avait pu, un an après le scrutin,
constituer le groupe qu’il n’était pas parvenu à obtenir dans un premier
temps, en parvenant à rallier en cours de mandat quelques députés.
Cette hypothèse pourrait à nouveau se réaliser, puisque les huit députés
du Front national, auxquels il faut ajouter Nicolas Dupont-Aignan et
Jacques Bompard, qui siègent pour le moment avec eux parmi les
non-inscrits, n’ont en réalité besoin que de débaucher cinq députés pour
constituer un groupe. Cet objectif pourrait devenir d’autant plus
réalisable que le Front national apparaît de moins en moins comme un
parti infréquentable.
Un FN désormais largement dédiabolisé
A
la différence de 2002, la présence cette année de Marine Le Pen au
second tour n’a guère suscité d’émotion dans la société française, si
l’on en juge en particulier par l’absence de toute mobilisation
d’ampleur. Les manifestations du 1er mai qui, en 2017 comme en 2002, se sont déroulées entre les deux tours, ont clairement montré l’évolution de l’opinion.
En
2017, les défilés du 1er mai n’auraient en effet réuni que 142 000
manifestants dans toute la France selon le ministère de l’intérieur et
280 000 selon la CGT, un niveau de mobilisation de dix fois inférieur à
celui des manifestations du 1er mai 2002. Surtout, la
tonalité de ces manifestations était bien différente de celles de 2002,
puisque si les défilés ont largement dénoncé Marine Le Pen, ils n’ont
pas pour autant pris la forme d’une véritable mobilisation antifasciste.
La quasi-disparition du slogan « F comme fasciste, N comme nazi », qui
avait dominé les manifestations de 2002, montre assez clairement que le
Front national n’apparaît désormais plus dans les milieux militants
comme un véritable danger de type fasciste.
Cette séquence
électorale aura ainsi démontré que la direction du FN a réussi son
opération de dédiabolisation, en imposant à une échelle très large
l’idée que le Front national de Marine ne serait plus tout à fait
identique à celui de Jean-Marie. Pour être de plus en plus diffusée,
cette perception est pourtant totalement illusoire, dans la mesure où
Marine Le Pen n’a apporté que d’infimes ruptures dans la ligne politique
suivie par son parti.
Comme l’a déclaré Louis Aliot, « la dédiabolisation ne porte que sur l’antisémitisme »,
signifiant ainsi que le FN de Marine Le Pen avait limité son
aggiornamento idéologique à un remplacement du vieil antisémitisme du 20e
siècle par la nouvelle islamophobie qui devient partout le nouvel
étendard des extrêmes droites. Ce transfert de la figure traditionnelle
de l’anti-France du juif au musulman est de fait au cœur des divergences
qui opposent la génération « Bleu marine » à celle de Jean-Marie Le
Pen, toujours obsessionnellement attachée à son vieil antisémitisme.
Cette
banalisation du Front national se traduit aussi par la diffusion, dans
les médias comme dans les revues de sciences politiques, de l’idée que
le FN ne constituerait plus aujourd’hui qu’un parti de type populiste
comme il s’en trouve désormais un peu partout sur le continent européen.
Une telle perception revient là encore à reprendre la politique de
communication du FN, qui a largement tenté d’accréditer que Marine Le
Pen pouvait être comparée à Donald Trump ou à Nigel Farage. Une telle
conception est toutefois contraire aux faits, puisqu’à l’exemple de
l’UKIP britannique, des Vrais Finlandais ou encore du Parti populaire
danois, les principaux partis populistes européens l’ont toujours
contestée, refusant même par principe tout contact avec le FN. Ces
partis de la droite extrême s’attachent à juste titre à souligner la
différence de nature qui les oppose à un parti comme le Front national
qui, par son histoire, par ses références et par la composition de sa
direction, reste très profondément ancré dans une culture manifestement
fasciste.
Il est toutefois vrai qu’en dernière analyse, la
dédiabolisation du Front national ressort moins de son habile politique
de communication que de l’évolution générale des discours politiques
français qui ont brouillé les lignes. Pour le dire autrement, ce n’est
pas le FN qui s’est dédiabolisé, mais la nature même du débat politique
français qui s’est profondément diabolisé. Dans ce processus, l’élection
présidentielle de 2002 a constitué une césure fondamentale : en ouvrant
alors les portes du pouvoir à Sarkozy, Chirac a choisi de répondre à la
présence de Jean-Marie le Pen au second tour en impulsant une politique
de course à l’échalote avec le FN. Celle-ci a pu s’avérer efficace à
court terme, puisqu’en reprenant à son compte le discours du FN, Sarkozy
a incontestablement réussi à attirer une importante partie de son
électorat pour remporter la présidentielle de 2007. A plus long terme,
cette stratégie s’est en revanche avérée désastreuse pour la droite,
puisqu’elle a abouti à normaliser le discours du Front national, lui
permettant ainsi de renaître plus fort dès que les vents ont tourné et
que Sarkozy s’est retrouvé en difficulté.
Si la droite a donc une
responsabilité énorme dans le processus de banalisation du FN, qu’elle
est en ce moment en train de payer au prix fort, le Parti socialiste n’y
est pas non plus étranger. Non seulement il a ouvert au Front national
des pans entiers de l’électorat populaire déboussolé par sa politique
néolibérale, comme le montre le développement spectaculaire du FN dans
le Nord-Pas-de-Calais, qui constituait hier encore un fief historique du
PS, mais il a largement apporté sa pierre à la dédiabolisation du FN,
comme l’a en particulier montré le désastreux épisode de la déchéance de
la nationalité. En reprenant l’une des propositions phare du FN et en
diffusant à large échelle l’idée qu’être Français se mérite et que la
lutte contre le terrorisme passait par la restriction de l’accès des
étrangers à la nationalité française, le PS a donné une crédibilité
inespérée au discours historique du Front national.
Vers la création d’un nouveau « rassemblement des patriotes » ?
Au
lendemain des élections présidentielles, Marine Le Pen a annoncé à ses
militants qu’elle se préparait à leur proposer de grands changements, en
affirmant que « le Front national, qui s’est engagé dans une
stratégie d’alliance, doit profondément se renouveler afin d’être à la
hauteur de cette opportunité historique ». La direction du FN
entend retirer les fruits de l’alliance conclue entre les deux tours de
la présidentielle avec Debout la France, en proposant aux fractions les
plus réactionnaires de la droite de la rejoindre dans un nouveau parti.
Si Dupont-Aignan, qui craint de succomber au baiser mortel de Marine Le
Pen, s’attache pour le moment à se faire oublier de son encombrant
allié, le Front national espère, bien au-delà de Debout la France, qu’il
lui sera bientôt possible de moissonner dans les champs brûlés de la
droite républicaine.
Cette perspective de construction d’un
« rassemblement des patriotes » ne relève toutefois en rien d’une
rupture dans l’histoire du FN, puisqu’elle ne constitue qu’une simple
remise à l’ordre du jour de sa vieille politique de « rassemblement de
la droite nationale », qui constituait déjà en 1972 le projet fondateur
du Front national. Depuis sa création, la direction du FN a déjà
effectué de nombreuses tentatives en ce sens, avec la constitution en
1986 du « Rassemblement national », qui avait vocation à réunir le Front
national à une fraction de la droite gaulliste, puis avec l’opération
« Génération Le Pen » montée en 1998 par Samuel Maréchal dans le même
but, ou encore avec le « Rassemblement bleu marine » que la direction du
FN a créé en 2012.
Si toutes ces expériences ont échoué, puisque
le FN a dû à chaque fois se contenter de quelques rares débauchages
individuels, force est de constater que les circonstances actuelles
n’ont jamais été aussi favorables à la mise en place d’un tel projet.
L’affaiblissement et l’éclatement de la droite républicaine, désormais
divisée en deux groupes à l’Assemblée nationale, dotent le FN d’une
attractivité nouvelle et lui offrent une occasion unique d’imposer son
leadership à une droite, qui pourrait bien vite constater qu’elle est
trop affaiblie pour pouvoir exister toute seule.
Dans l’immédiat,
le FN doit procéder à quelques réglages programmatiques afin d’élaborer
le socle de ce nouveau « rassemblement des patriotes ». Devra-t-il
apparaître comme le parti de la rupture avec l’UE, en reprenant le
discours que Marine Le Pen a tenu durant ces dernières années, ou
choisira-t-il d’abandonner cette ligne trop anxiogène pour revenir aux
bons vieux discours sur « l’Europe des nations », qui constituaient
originellement le programme européen du FN ? En matière d’immigration,
devra-t-il agiter le spectre du « grand remplacement », comme l’avait
fait en son temps Bruno Mégret, ou serait-il plus payant de reprendre le
discours sur « l’assimilation » que la direction du Front national
avait tenté de mettre en avant lors de la présidentielle 2007 ? Ces
interrogations sont au cœur des débats qui agitent actuellement la
direction du FN.
Ces questions programmatiques sont en effet
d’autant plus difficiles à trancher que le Front national ne dispose pas
d’un électorat cohérent, susceptible de se rassembler autour d’un même
projet de société. Toutes les études montrent que les succès électoraux
du FN sont en effet fondés sur sa capacité à agréger des électorats
socialement hétérogènes, dont les intérêts sont largement divergents. Le
vote Front national parvient ainsi à regrouper de petits entrepreneurs,
attirés par les thématiques antifiscales de l’extrême droite, une
partie des classes populaires, frappées de plein fouet par les ravages
de la mondialisation néolibérale, ou encore des fractions de la
bourgeoisie qui voient dans le FN le parti de l’ordre social et moral.
Par
son caractère hétérogène, ce conglomérat possède une indéniable
fragilité et sa diversité s’exprime de plus en plus ouvertement au sein
du Front national. Pour une grande part, les divergences qui se
développent actuellement dans la direction du FN ressortent en effet
d’une opposition entre les élus de la France méridionale, qui
s’attachent à défendre les intérêts d’un électorat pour l’essentiel issu
des classes moyennes, et les élus de la France du Nord et de l’Est,
soucieux de répondre aux aspirations de leurs électeurs dont les
origines sociales sont beaucoup plus populaires.
Marine Le Pen n’a
toutefois pas grand-chose à craindre de ces affrontements internes.
Reprenant les bonnes vieilles méthodes de son père, qui s’est toujours
attaché à diviser son parti pour mieux le régenter, elle a tout à gagner
à se poser en arbitre des conflits qui divisent le FN, en laissant par
exemple le clan Philippot affronter ses nombreux ennemis pour mieux lui
rappeler le prix de sa protection.
Après avoir réussi à
marginaliser son père et à se débarrasser de sa nièce, Marine Le Pen a
désormais imposé son autorité à sa famille comme à son parti. Ayant
utilisé non sans habilité la soi-disant politique de dédiabolisation
pour liquider ceux qui, à l’exemple de Benedetti et de Gabriac,
tentaient de faire de l’entrisme dans le FN, elle a promu dans
l’appareil des hommes qui lui doivent aujourd’hui tout, faisant en
particulier appel aux mégrétistes et aux identitaires qui sont de plus
en plus présents dans le Front national marinisé, ce qui démontre au
passage à quel point ce parti reste toujours aussi marqué par sa
profonde culture fasciste.
La médiocrité des résultats électoraux
que le Front national a obtenus dans cette séquence électorale ne doit
donc pas masquer l’essentiel : le FN n’a en réalité jamais été aussi
menaçant. Si ses résultats ne sont évidemment pas à la hauteur de ses
espérances, il a réussi à conserver un bloc électoral dont la puissance
est d’autant plus remarquable qu’il se dresse sur un champ politique
transformé en un champ de ruines. Dédiabolisé par les efforts conjoints
de la droite sarkozyste et du PS de Valls et Hollande, le Front national
est aujourd’hui en mesure de constituer au second tour un pôle de
rassemblement d’autant plus inquiétant que sa nature profonde n’a rien à
voir avec le visage rassurant qu’il s’attache à présenter. Dans ce
contexte, il est plus que jamais essentiel d’ouvrir les yeux et de
rappeler que le Front national n’est pas un parti comme les autres, que
sa nature profondément fasciste n’a en rien changé et qu’il demeure pour
le mouvement ouvrier un péril mortel qui en fait plus que jamais notre
ennemi prioritaire.
Laurent Ripart
Les articles de la rubrique Idées n’expriment pas nécessairement le
point de vue de l’organisation mais de camarades qui interviennent dans
les débats du mouvement ouvrier.
Blog de la commission antifasciste du NPA
Plus que jamais, au moment où la triple crise économique, sociale et écologique s'approfondit et s'accélère, notre but est de rassembler toutes les forces qui veulent sortir de l'ère du profit, rompre avec le capitalisme, pour ouvrir la voie à une société inédite, démocratique et égalitaire, féministe et écologiste.
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